Flambeau 30 (2004)
Revue Annuelle de la Section Française
Université des Langues Etrangères, Tokyo (TUFS)
Comité de Rédaction
Yoshinari NISHINAGA, Yoichiro TSURUGA,
Hisao MATSUURA, Yuji KAWAGUCHI (dir.)
Tomoko TOKITA, Aya MURAKAMI, Yohei YAMAZAKI
Section de fran¸ais, Université des Langues Etrangères, Tokyo
3-11-1 Asahi-cho Fuchu, Tokyo, 183-8534 Japon
Tel/Fax 042-330-5240

Table des matières
 
  Les Atlas Linguistiques de la France par régions SIMONI-AUREMBOU Marie-Rose
1-22
Etudes linguistiques
  A propos de la construction «N1N2» déterminant-déterminé - Peut-on dire oiseau perroquet ? - NAKAO Kazumi
23-36
  A propos de la construction pronominale du type se battre KAWASHIMA Koichiro
37-52
Etudes littéraires
  L'esthétique sérielle, tant plastique que musicale FUKUKOKA Yujiro
53-66
Notes
  Problématiques de l'étude des journaux d'écrivains contemporains 

OMIYA Shiho

67-74
  Le programme d'immersion française et le multilinguisme au Canada
TOKITA Tomoko
75-87
Flambeau 1-30 (1973-2004)

A propos de la construction «N1N2» déterminant-déterminé - Peut-on dire oiseau perroquet ? -
Kazumi NAKAO

La construction «nom+nom» (N1N2) du type détermination est normalement caractérisée par l’ordre déterminé-déterminant. Cette règle est d’un côté nécessaire puisqu’aucun élément n’explicite la relation entre les deux constituants nominaux qui seraient prêts à foncionner comme tête du composé, mais de l’autre côté, elle n’est pas absolue. Si l’on accepte dans (b) la construction oiseau perroquet qui est refusée dans (a), c’est parce que la relation déterminant-déterminé se construit dans (b) où oiseau perroquet, contrasté avec poisson perroquet , explique N2 (perroquet) métalinguistiquement.

(a) Je n’aime pas les oiseaux perroquets.
(b)Ne parlons plus de l’oiseau perroquet. Maintenant parlons du poisson perroquet.

La détermination inverse s’est rendue possible grâce à l’inversion de la hiérarchie hyper-hyponymes : les deux constructions «N1 + perroquet» dans (b) sont des hyponymes de perroquet, tandis que la construction oiseau perroquet dans (a) est celui de oiseau, d’où vient la redondance de (a).
Bien que N1N2 du type oiseau perroquet soit une construction éphémère soutenue par le contexte, cela montre bien que la construction N1N2 réserve la possibilité de recourir à l’ordre déterminant-déterminé au cas où se présenterait une nécessité. C’est la souplesse de N1N2 dont la relation n’est marquée par aucun élément linguistique.


A propos de la construction pronominale du type se battre
Koichiro KAWASHIMA

Le présent article vise à éclairer le statut de la construction pronominale des verbes du type se battre, se disputer, se bagarrer, s'entendre bien..., dont l'emploi n'est ni réflexif, ni réciproque, ni passif, ni neutre. Pour ce faire, nous proposons de souligner le fait que ce type de verbe pronominal peut apparaître dans deux constructions distinctes. Ces deux constructions font partie d'une série de relations transformationnelles qu'on observe pour divers types de prédicats tels que trinquer, être d'accord, boxer. Ces relations peuveut se schématiser en : X et Y prédicat ⇔ X prédicat (avec Y). Ainsi, le rapport entre X et Y se battent et X se bat avec Y est le même que celui entre X et Y trinquent et X trinque avec Y. Or les deux emplois de trinquer représentent un seul et même verbe. Ceci nous conduit à conclure qu’il en va de même pour les deux constructions pronominales du verbe se battre.


L'esthétique sérielle, tant plastique que musicale
Yujiro FUKUOKA

Si la philosophie appliquée à la pensée musicale a un sens, il n'est autre que celui de thématiser les fondations et les prolongements qui supportent et poursuivent le discours considéré. Mais, dans quelle mesure, à quelles conditions, et sous quelles réserves? Autant de questions qui supposent de retracer schématiquement les axes de la thématisation esthétique, notamment celle de Gilles Deleuze. Parce que c'est dans ses ouvrages consacrés aux problèmes d'esthétique contemporaine, (essentiellement Mille Plateaux), qu'il nous propose d'examiner si et comment le nouveau concept cristallise ou accomplit les traits de l'art contemporain. Il est intéressant de relever le parallélisme entre l'analyse que Deleuze nous propose de l'art contemporain et celle que Pierre Boulez nous présente à propos de la théorie de la musique sérielle. De part et d'autre en effet une même ambition apparaît, aux antipodes de la figuration classique : présenter les textures de la matière, et les flux qui la traversent. Une même caractéristique, un même mouvement vers l'esthétique sérielle se révèle donc central. La ligne de série, selon la lecture qu'en donne Deleuze, se définit comme suit : 1° la ligne est affirmée comme telle dans sa spécificité et non en tant que délimitant une forme. 2° la ligne est par essence plate : elle n'implique par elle-même aucune profondeur. 3° la ligne est mouvante, apte à toutes les torsions et à toutes les ondulations, contrairement à la forme dont la structure limite les possibilités de manipulation. L'esthétique deleuzienne, tant plastique que musicale, sera donc fondée sur l'assomption de la ligne au détriment de la forme fixe. Pour en finir avec ces caractérisations de la série, il convient encore d'examiner la notion du temps musical dans lequel elle se déploie : Boulez distingue en musique le temps lisse et le temps strié : le temps strié d'une musique formelle et fonctionnelle fondée sur les valeurs, le temps lisse pour une musique flottante, flottante et machinique. Il ne nous incombe pas d'explorer globalement cette double temporalité boulezienne, mais bien de dégager ce qui, en elle, peut contribuer à éclairer une filiation terminologique et conceptuelle existant d'une manière générale entre deux hommes en matière esthétique. Apparaissent ainsi des pôles de la pensée sérielle qui se caractérise par une variation continue dans le temps musical qui ne laisse rien en repos, étant fluctuation de la forme elle-même. Si toutes formes sont pensées en terme de concrescence, d'enveloppe de temps ou de modulation, notons qu'il en ira de même du concept de matière comme tel puisque ce dernier, en tant qu'il est à son tour une actualisation de forme fluide, se verra défini comme un composé, un consolidé de lignes (séries), un agencement virtuel, dont le déploiement est bien autre chose qu'une articulation formelle/matérielle. C'est à cette esthétique qu'ils entendent s'atteler, en prenant pour axe de leurs investigations une question qui en constitue incontestablement un point d'ancrage privilégié, à savoir le statut du concept de forme et de matière décrit par l'exigence fondamentale de l'invention de la pensée sérielle.