フランボワのコント Les Contes de Fraimbois
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Introduction
Dans le cours de Introduction la dialectologie dans le domaine d'oïl (
l'année 1999-2000 ), nous avons analysé quelques contes lorrains au point de
vue linguistique. En voici un exemple avec nos commentaires.
Fraimbois est un village lorrain, huit kilomètres au Sud-Est de Lunéville.
Les Contes de Fraimbois sont devenus célèbres après l'édition des cartes
postales au début du siècle. 1) L'importance tant linguistique que
ethnographique des contes est indiscutable. Aujourd'hui, grâce l'édition de
Jean Lanher, nous avons la chance de lire ces contes en français moderne. En ce
qui concerne la structure des contes : Personnages et Éléments de récit,
Mentalités des Fraimbois, vous trouverez une explication concise et
clairvoyante dans Introduction de l'édition de Lanher. 2)
1) Voir préface de Contes sous la plume de Abbé Jacques Choux.
2) L'édition comprend soixante-seize contes avec traduction en français
moderne, tables des noms de personne et des noms de lieux, glossaire.
Bibliographie
Jean Lanher, Alain Litaize, Jean Richard, Atlas linguistique et
ethnographique de la Lorraine romane,C.N.R.S., Tome 1, 1979, Tome 2, 1981,
Tome 3, 1985, Tome 4, 1988. (ALLR)
Jean Lanher, Les contes de Fraimbois, Presses Universitaires de Nancy,
1989. (Contes)
Jean Lanher et Alain Litaize, Dictionnaire du français régional de
Lorraine, Editions Bonneton, 1990. (Dic)
Gérard Taverdet, "Les aires linguistiques IV. Dialectes de
l'Est", dans Lexikon der Romanistischen
Linguistik (LRL),Günter Holtus, Michael Metzeltin, Christian
Schmitt, Band V,1, Max Niemeyer
Verlag, Tübingen, 1990, pp.654-671. (Taverdet)
Fraimbois est situé environ 10 kilomètres au nord de Vallois, point 84
de l'ALLR.
24. LES
ERLIQUES
Texte
reproduit de Contes
1 : ÁEatôza let jonèye de let fête des Saints Innôcents.
2 : Mosseur Curé de Frïmbô avô étalé toutes les erliques de so
3 : motet su lo davant de l'autel : i n'avô ïn dôye de pie de saint
4 : Nicaise, eune corriate di solé de sainte Phrasie, eune tricatte
5 : de sainte Cholastique éca bïn d'âtes effères que les gens venïnza
6 : bichi, éprès let masse.
7 : Quand l'Ite missa es ettu youte vale toutes mes innôcents
qué
8 : vont é l'autel. Justement, tot préche d'ïn pia saint en bô, lo
9 : sâcristain avô raublié l'encensouère.
10 : Lo Coliche qu'atô lo premeu, biche d'abôrd let corriate di
11 : solé. épu let tricatte et pu lo pia siant. Mo Coliche ouet l'en-
12 : censouère, i crô qu'ça ca eune erlique, et i lo biche lo pu tôrt qu'i
13 : pue, assi fort que l'érô bichi les belles joues rouches d'eune
14 : baicelle.
15 : Mè, l'encensouère, atô piéne de braise que fumô.
16 : << Ah ! lo macroc d'saint qui s'mat é crier dans lo motet en
17 : s'frottant let bouche, l'et let gueule assi breûlante que lo
18 : diâpe ! >>
Traduction
japonaise
それは聖イノサンの祭日のことだった、
フランボワの司祭さんは、祭壇の前に、自分の教会の聖遺物をぜんぶならべていた。聖ニケーズの足の指,聖ユフラズィの靴ひも、聖スコラステックの靴下どめや、まだ他にもたくさんの物があって、ミサのあと、人々がそれらに口づけをしにきていた。
ミサの言葉が終わると、信徒たちはみんな祭壇に行く。ちょうど、小さな木製の聖像のすぐちかくに、聖遺物係が香炉をおき忘れていた。
一番に並んでいたニコラは、まず靴ひもに口づけをして、次に靴下どめに、さらに小さな聖像にも口づけをする。われらがニコラは、香炉をみると、それも聖遺物だと思い、すぐさま、それにも口づけをする、しかも赤くてきれいな娘さんの頬に口づけするときみたいにおもいきり。
ところが、香炉は火種がいっぱいで煙が出ていた。
「あっちちー,聖人さま、そういって彼は口もとふきながら、教会の中で大声で言った、あの方は悪魔みたいに熱い口をしておいでだ!
Traduction
en français moderne (reproduite du Contes)
C'était la journée de la fête des saints Innocents.
Mosseur Curé de Fraimbois avait étalé toutes les reliques de son église sur le
devant de l'autel ; il y avait un doigt de pied de saint Nicaise, un lacet du
soulier de sainte Phrasie, une tricatte de sainte Cholastique, et encore bien
d'autres affaires que les gens venaient baiser, après la messe.
Une fois l'Ite Missa est terminé, voil tous mes Innocents qui vont
l'autel. Justement, tout près d'un petit saint en bois, le sacristain avait
oublié l'encensoir.
Le Coliche, qu'était le premier, baise d'abord le lacet du soulier, et puis la
jarretière, et puis le petit saint. Mon Coliche voit l'encensoir ; il croit que
c'est encore une relique, et il le baise le plus fort qu'il peut, aussi fort
qu'il aurait baisé les belles joues rouges d'une bâcelle.
Mais l'encensoir était plein de braise qui fumait.
<<Ah ! le maquereau de saint, qu'il se met crier dans l'église en se
frottant la bouche, il a la gueule aussi brûlante que le diable !>>
Notes
ligne 1
atôza "était". Dans les contes, on constate une forte
variation de la forme d'imparfait : ato, ataut, tô, attô, atoza, éto, tôt, té,
etc. Les points de l'ALLR donnent les formes pt.85 [té:], pt.84 [èto:r],
cf. carte 1052 (il) était. L'accent circonflexe de atôza indique-t-il la
longueur vocalique ? On sait qu'il y a deux séries de l'imparfait en lorrain.
Il s'agit traditionnellement des imparfaits lointain ( je palorza
"je parlais" ) et prochain ( je palo "je
parlais"). La première forme provient de la suffixation du latin HORA. En
citant l'étude de J. Richard, Gérard Taverdet a expliqué deux valeurs de
l'imparfait lointain ou marqué. Dans l'exemple comme "C'atôza di
temps de Louis-Philippe", l'imparfait indique une époque et une situation
précise que l'on ne prend pas la peine de dater, alors qu'il explique une
relation implicite et évident une situation présente ou toute récente dans
l'emploi "j'olôzo maingi" (fr. j'allais manger). Ici,
l'exemple atôza correspond peut-être la première valeur, cf. Taverdet,
p.666.
let, la consonne finale -t indique-t-elle un timbre ouvert de la voyelle
: [lè] ?
let fète des saint Innôcents, la scène a donc lieu le 28 décembre.
ligne 2
erliques, exemple de la métathèse, rel- > erl-, cf. lat. RELIQUIAE.
La même métathèse s'observe aux environs de Fraimbois. Le mot
"regarder" (carte 737 ALLR), issu du germanique *WARDON,
devient [èrwati] au pt. 85 et [èrwatyi] au pt. 84.
so "son". La dénasalisation comme "son" en so
est fréquente dans notre texte : affant "enfant", béso
"besoin", da "dans", etc.
ligne 3
Le mot motet "moutier", issu du lat. MONASTERIUM, signifie
"église".
dôye "doigt". Presque partout dans l'ALLR, on peut
constater [do:y], les formes [dwe] ou [dwa] concentrées dans l'Ouest.
ligne 4
corriate "lacet". On peut relever un mot régional corriatte,
qui signifie "lanière, lacet, ceinture", cf. Dic., p.50.
Dans l'ALLR, solé pour "soulier" se trouve un peu plus
l'ouest de la région qui recouvre Fraimbois et les points 84 et 85 se trouvent
en effet dans une zone de [sòle:y].
tricatte "jarretière". Ce mot relève du français régional, cf.
Dic., p.148-149. Tricatte est relevée partir de la
Meurthe-et-Moselle jusqu' la Moselle, voir carte 785 (la) jarretière de l'ALLR.
ligne 5
éca "encore". Encore un autre exemple de la dénasalisation,
voir ligne 2, so.
âtes "autres". Est-ce que l'accent circonflexe indique encore une
voyelle [EE/font> ] long ?
effères "affaires". L'alternance vocalique entre -a- et
-e- est très fréquente en lorrain.
venïnza "venaient"
ligne 6
bichi "baiser". L'infinitif en -i pour -er est typique
dans les dialectes de l'Est. Comme un substantif, l'ALLR nous donne une
prononciation [bi:EE/font> ] au point 84, cf. carte 859 (faire lui un)
baiser.
let masse "la messe". L'alternance vocalique entre -a-
et -e- est un phénomène bilatérale.
ligne 7
es ettu youte, mot mot, "a été loin". Cette expression veut
dire simplement "est terminé".
vale "voil". D'après l'ALLR, la prononciation [vl] est
attestée plus l'Ouest ou au Nord. On relève plutôt la forme [vòl] aux points 84
et 85.
qué = qui. Le pronom relatif d'objet direct que pour le pronom
relatif de sujet est largement connu dans les patois et les français régionaux.
ligne 8
préche "près".
pia "petit".
bô "bois". La réduction de la diphtongue -oi- en -o-
est propre aux dialectes de l'Est. Mais, la réduction ne se produit pas dans
tous les cas, voir ligne 9, encensouère.
ligne 9
raublié "oublié".
Dans le mot semi-savant comme encensouère, la diphtongue -oi- est
devenue -ouè- sans réduction vocalique.
ligne 10
Lo Coliche est une forme hypocoristique de "Nicolas". Dans le
patois, l'article défini est utilisé souvent devant les noms de personne.
atô "était". la différence de atôza de la première
ligne, cette forme d'imparfait, avec celle de la ligne 15, est utilisée
seulement pour décrire un état ou une situation dans le passé.
premeu "premier". La prononciation [prœmœ] est attestée plutôt
au nord de la Moselle, alors que les points 84 et 85 montrent la forme [pròme:y],
cf. carte 1123 premier de l'ALLR. La même remarque se trouve pour solé
"soulier" dans la ligne 4.
ligne 11
ouet "voit" représente probablement une prononciation [wè]. On
voit donc un affaiblissement de la fricative initiale.
ligne 12
ca "encore", qui résulte peut-être de la chute de la voyelle
initiale de éca, voir ligne 5.
ligne 13
érô bichi "aurait baisé". Le conditionnel passé signifie ici
une conjecture du passé.
rouches "rouges". L'assourdissement de la consonne finale est
caractéristique de l'Est.
ligne 14
baicelle "jeune fille". Le dictionnaire du français régional
nous donne la forme "bacelle", Dic., p.17.
ligne 15
atô "était", voir ligne 10.
ligne 16
macroc "maquereau". Suivant la note de Lanher, ceci n'est un
juron et n'a rien de péjoratif, voir Contes.
ligne 17
l'et "il a". L'aphérèse s'est produite, d'où la coalescence du
sujet il avec le verbe et.
ligne 18
diâpe "diable".
Copyright (C) Tokyo University of Foreign Studies(TUFS) Yuji
Kawaguchi